Chasse à la pleine lune

Ce n'était jamais une bonne idée de partir en chasse à la pleine lune...
Et pourtant. Les gens passaient leur temps enfermé pendant cette période, car la lune était connu pour provoquer l'apparition des pires créatures qui soient. Pour Yzebel, c'était surtout l'occasion de partir à la chasse aux lycans... Oh pas tous rassurez vous, seulement ceux du clan de Maryssa qui prenaient un malin plaisir à arracher la vie aux autres. Comme tous les mois donc, la chasseresse avait quitté l'ambiance douce de sa librairie pour une partie de chasse dans les landes...

Les landes étaient immenses, mais Yzebel connaissait certaines zone presque par coeur. Il aurait été fou de s'aventurer trop loin, surtout en pleine nuit... Alors, ce fut dans la jungle que la sorcière commença à rôder. Les loups-garous étaient très agressifs quand il s'agissait de leur territoire, il n'était pas aisé de les trouver, rare était les fois où l'on pouvait croiser deux spécimen dans la même zone... ce qui rendait les choses encore plus dur... Un craquement de brindille poussa Yzebel à se réfugier derrière une gigantesque racine, épée en main. Pas de grognement... Elle fronça les sourcils et se redressa légèrement, juste assez pour voir par-dessus la racine la chose qui s'approchait d'elle... Ce n'était pas une chose.. du moins pas un animal, mais bien un être humain. Un homme grand, excessivement bien battit, chauve et le crane couvert de dessin ésotérique. Yzebel fronça les sourcil, elle reconnaissait cet homme, car les chasseurs du clan blanc avaient posté des avis de recherche avec sa trogne partout dans River halls : mort ou vif... C'était rare que le conseil donne l'accord de mort hors jugement avec une prime à celui qui trouverait et viendrait à bout du hors la loi. La prime était élevée, un peu moins si l'on venait à le tuer, mais voilà qui pourrait aisément arrondir ses fins de mois...

Se redressant doucement, Yzebel sortit de sa cachette. Aucun mot ne fut échangé, mais les deux sorciers savaient dès cet instant que l'un des deux mourraient ce soir. Bien décidé à venir à bout du hors la loi, Yzebel attaqua la première, faisant tourner sa lame avant de frapper. A sa grande surprise, malgré la carrure impressionnante du ténébreux, celui-ci esquiva l'attaque sans aucune difficulté. Il saisit le poignet de la belle, lui arrachant l'arme des mains et lui asséna un violent coup au visage. Gémissant de douleur, Yzie s'écroula au sol, mains plaquées sur son nez en sang alors que le ténébreux s'approcha et se mit à califourchon sur elle. Une main plaquée sur sa gorge, l'autre s'abattit de nouveau sur son visage alors qu'un rire rauque sortit de sa gorge, le ténébreux avait clairement envie de jouer avant de la tuer. Deux siècles au service du clan blanc et pas fichu de tenir dix secondes face à cette brute... Yzebel se sentait honteuse. Elle chassait et tuait des loup-garous, des vampires, des créatures en tout genre... et la voilà au tapis après deux coups de poings mit par un sorcier... Oui, il y avait vraiment de quoi avoir honte. L'homme rit de plus belle et sortit un couteau de chasse de sa poche et le leva au-dessus d'Yzebel. La jeune femme écarquilla les yeux, d'un geste rapide, il abaissa la lame, prêt à la poignarder, mais dans l'ombre, quelqu'un était bien décidé ne pas la laisser mourir si facilement.

J'éternuais pour dissiper les derniers fourmillements liés à la transformation, la douleur persistant dans mes os comme un bourdonnement désagréable mais j'avais appris à l'ignorer et à me distraire avec autre chose. Comme le monde qui venait de devenir bruyant, clair et lourd de l'odeur entêtante des possibles et de la liberté retrouvée. Je me redressais lentement, sentant les muscles durs se contracter, répondre aisément à chacune de mes sollicitations et je levais le nez, humant l'air chargé de la lande. Lentement, je laissais l'humain retourner en arrière plan et la bête gagner le devant de la scène. Je ne pouvais lui laisser la bride au cou que lors des pleines lunes et j'avais bien l'intention d'abandonner le masque fade de l'humanité.
Accroupis dans un coin reculé de la lande, je tournais mon regard d'un bleu surprenant en direction de la jungle. Je ne me sentais pas d'humeur à aller patauger dans la boue, en revanche une course effreiné à travers les arbres sombres me remplissait d'une impatience grandissante. Je m'élançais dans une course lourde, toute en puissance, laissant derrière moi la lenteur désespérante de l'humain pour enfin laisser s'exprimer ma nature profonde. Le loup, le monstre grondait, faisant vibrer la large cage de ma poitrine. La chasse pouvait commencer.
Je passais sous le couvert des arbres, me glissant dans l'obscurité avec l'aisance du prédateur, frémissant d'envie et du désir de tuer. Il ne me fallut pas longtemps pour trouver la piste de ma première victime, l'odeur était forte et musquée, probablement celle d'une créature proche du tapir terrestre, ça y ressemblait en tout cas à peu de choses près. Ce n'était pas la première fois que je venais ici, ni la première fois que je sentais cette odeur mais c'était la première fois que je me jetais sur ses traces avec l'intention d'en faire mon repas.
J'abandonnais la lenteur de l'affût pour m'élancer, m'élançant sans douceur sur le tapis souple de la jungle, ma course s'acheva dans un bond comme je tombais lourdement sur le corps de ce que j'avais identifié comme ma première victime de cette pleine lune. Mes crocs trouvèrent la gorge, déchirèrent la chair sans aucune douceur. La "chasse" n'avait pas duré plus d'une poignée de secondes, quant à la mise à mort ce n'était même pas une question de seconde. J'arrachais une première plâtrée de viande sanguinolante, grondant sourdement en sentant l'odeur et le goût du sang. Le liquide sombre imprégna mon museau, dessinant un masque rouge sur la fourrure claire.

En quelques minutes, j'avais lavé les os de leur chair et je grignotais les plus gros pour en arracher la moelle, sentant avec une satisfaction paresseuse le poids agréable de ma chasse peser sur mon ventre. Mais ce n'était que le commencement, la faim me tenaillait déjà, hurlant pour que je retourne sur les traces de ma prochaine victime. Et la chasse raidissait mes muscles mais je prenais mon temps. La bête serait satisfaite au cours de cette nuit, la première mise à mort avait été  trop rapide, expéditive, sans intérêt autre que le fait d'apaiser le brasier que la faim avait allumé en moi. Si je voulais garder le contrôle, même un peu de sorte à pouvoir m'arrêter si besoin, je devais commencer par calmer  le hurlement affamé qui chantait dans tout mon être.
Je relevais le nez, conscient du tiraillement familier du sang séché dans les poils de mon museau et sur ceux de mes pattes avants. Je n'avais aucune tenue et je ne cherchais à en avoir aucune, ça ne m'intéressait pas. L'humanité n'était pas pour moi ce soir. Je tendis les oreilles, écoutant attentivement les bruits de la nuit à la recherche de ma prochaine proie. Je captais le son étouffé d'un corps chutant sur le sol et décidais d'aller jeter un coup d'oeil. La plupart des jeunes loups annoncent le début de leur chasse en hurlant, dédiant le butin et le sang à venir à la belle de nuit. Moi je suis plus silencieux, la Lune restait dans mon coeur mais il était inutile de prévenir mes victimes que la mort les guettait et qu'elle avait les yeux bleus.

Malgré ma masse, je parvins à rester silencieux tandis que j'approchais de ce qui avait attisé ma curiosité - et surtout mon appétit. Progressant à quatre pattes, les coussinets larges et épais de mes pattes arrières ne faisant aucun bruit tandis que mes pattes avant se contentaient d'équilibrer mon poids. Je parvins à la lisière d'une zone en partie dégagée. Au centre, un homme surplombait une silhouette que je reconnus aussitôt.
Les buissons explosèrent lorsque j'en sortis d'un bond puissant, me ruant dans un rugissement sur le chasseur qui venait de sortir une lame recourbée et létale. Le son était avant tout là pour attirer son attention, le distraire de son actuelle victime, et cela fonctionna à merveille. Avec une rapidité que sa stature ne laissait pas soupçonné, il pivota dans ma direction, lame au clair. L'argent traça une ligne de feu le long de mon avant bras lorsque mes griffes plongèrent dans son abdomen, traversant la barrière de ses muscles avec une aisance terrifiante. Le sang gicla comme il partait en arrière, projeté par la force de mon attaque.
Je le suivis prestement, enjambant la forme étalée d'Yz sans lui accorder un seul regard. Je ne laissais même pas à l'homme le temps de se relever, il esquissait un geste pour essayer, manifestement inconscient que cela risquait juste de permettre à ses intestincts de se deverser sur le sol. Je lui attrapais le visage d'une main et plongeais mon museau dans son ventre dévasté. Il passa de vie à trépas sans avoir l'occasion de porter un nouveau coup. La lune chantait dans mon sang, tout chasseur qu'il soit il n'avait eut aucune chance. Lorsque son coeur cessa de battre, je levais la tête, abandonnant pour un instant le corps chaud pour me tourner avec un grondement vers la femelle.

Encore à moitié accroupis, je posais ma patte droite sur le sol, oriantant mon corps de profil par rapport au sien. Prédateur dans l'obscurité oppressante de la jungle, je trouvais particulièrement intéressant d'ajouter la forme tendre et parfumée de la chasseuse à mon palmarès de la nuit. Elle ne faisait que commencer et la faim trônait au sommet de mes priorités. Et elle sentait bon. Vraiment bon.

La lame s'abaissa à une vitesse folle, mais le choc ne vint jamais.

Yzebel avait juste eu le temps de fermer les yeux pour ne pas voir la lame s'enfoncer dans la poitrine quand un long grognement menaçant résonna dans la clairière et que le hors la loi fût éjecté comme un rien. La chasseresse ouvrit un oeil, puis le second et observa la silhouette massive de la bête l'enjamber. C'était rare de voir ces créatures d'aussi sans se faire tuer, Yzie reconnu aussitôt le forgeron, son pelage était reconnaissable entre mille. D'ailleurs elle s'était toujours demandé comme il arrivait à passer inaperçu avec un pelage aussi clair, généralement les lycans ont les poils foncés pour leur permettre de se fondre dans la nuit... Pas lui et cela ne semblait pas lui poser de problème.

La sorcière se releva et observa le loup qui défigura l'homme et le tua sans effort avant d'enfouir sa truffe dans son ventre. Yzebel gémit et s'énerva :

« Oh non Tony ! NOOON ! Par la lumière, c'était un hors la loi recherché et il y a une prime si je le ramenais vivant ! »

Elle soupira longuement, ramassant son arme en argent sur le sol et ajouta :

« Bon, y a une prime aussi si je le ramène mort... mais comme tu viens d'en faire ton casse croûte, je le ramène comment moi ? Et même si j'y arrivais, l'identification est impossible, tu as massacré son visage et... »

La sorcière se figea alors que le loup pivota pour la fixer. Ce regard... Yzie arqua un sourcil, soutenant le regard de la bête immaculé et souffla.

« Oh non... n'y pense même pas Tony... »

Elle savait parfaitement ce qu'il comptait faire... Du monde elle l'imaginait assez bien. Le soucis avec ces fichus animaux, c'est cet instinct bestiale et primaire qui les domine la plupart du temps. Une jolie femelle juteuse sous le nez... vous avez deux options : soit il reste relativement gentil et va tenter de s'approprie votre personne pour en faire sa compagne soit... Vous avez intérêt à savoir courir très vite. Par chance, Yzie courrait vite. Dans attendre, elle s'élança sur le côté, arme en main et se mit à courir à travers la jungle.


Parce que oui, lors que l'on fait son métier, on sait que face à ce genre d'animal, il est préférable de fuir. Brusquement elle avait disparu, réapparaissant plusieurs mètres plus loin. La téléportation restait très utile face à un lycan lors de la pleine lune, mais pas suffisant, car... il est impossible de se téléporter dans un endroit que l'on ne connaît pas... alors Yzebel ne pouvait se transporter que jusque là où sa vision s'arrêtait... et dans cette sombre forêt, cela se résumait à des bonds de quelques mètres en avant. Sans oublier que l'usage de ce don est comme tous les autres : épuisant.

Elle pouvait entendre la bête la prendre en charge, elle imaginait ses lourdes pattes s'enfonçant dans la terre de la jungle soulevait des nuages de poussières, ses griffes acérées attendant de trancher la chair de son petit corps gracile. Elle frissonna de peur et de dégoût à cette idée... Yzebel était l'un des rares à avoir connu la douleur d'un coup de griffe de loup-garou et à en être sorti vivante... croyez le, c'est une expérience que l'on ne veux subir pour rien au monde. Dans un nouveau bon de téléportation, la jeune femme apparu au bord d'un petit ravin et perdit l'équilibre. Poussant un cri de surprise, elle tomba, roulant le long de la pente avant d'arriver quelques mètres plus bas. A moitié sonnée, elle se redressa à quatre pattes, secouant la tête et se redressa, titubant. Elle souffla, observant l'endroit sombre et pourtant merveilleusement bien éclairer par la lune. Pas de signe de la bête...

J'observais avec satisfaction la peur s'allumer dans son regard, la réalisation que ce qu'elle avait en face d'elle n'était pas une créature pensante et consciente, que je n'étais pas un chien obéissant et fidèle. Ma lourde masse se déplaça légèrement, s'appuyant sur mes antérieurs pour avancer avec une fluidité qu'on ne m'aurait pas prêté compte tenu de ma taille et de mon poids. La légende veut que les loups-garous manquent d'agilité... c'est vrai. Mais j'étais devenu doué pour donner l'illusion d'une souplesse animale.
Je baissais légèrement la tête, ma gueule parallèle au sol pendant que j'orientais mes oreilles vers l'avant. L'effet de cet élément aurait pu me donner l'apparence d'un animal curieux, attentif. Mais couplé à ma gueule entrouverte, mes lèvres sombres orientées vers le bas et le bleu intense de mes yeux, je savais pertinemment que j'avais seulement l'air du prédateur en chasse. Ma fourrure pâle n'était pas uniquement faite de blanc mais comportait toutes les nuances de gris, d'argent et de blanc. Je ressemblait à un loup gris commun excepté qu'aucune teinte rousse ou feu ne venait troubler l'absence de couleur dans ma fourrure. Seul le bleu de mes yeux venait troubler cette uniformité chromatique.
J'entendis ses mots et mes lèvres noires tremblèrent. J'avais envie de sourire. Je savais pertinemment ce à quoi je ressemblais, je savais exactement quelle impression je donnais... tout comme je savais parfaitement quelle était la conduite qu'une personne sensée adopterait face à ce genre de situation. Elle s'empara de son arme, tourna les talons et s'enfonça dans les broussailles de la jungle.

Contrairement à mon habitude, je me redressais légèrement, mes antérieurs se soulevant du sol d'une dizaine de centimètres comme je dressais la gueule droit vers le ciel. Le chant de mes pairs et de mes ancêtres emplit mon poitrail et fit vibrer ma gorge comme la plainte longue et glaçante du loup perçait l'obscurité de la nuit. La chasse était ouverte.
Je mélançais d'un bond, la puissance naturelle logée dans mes muscles explosant dans un son sourd, soulevant la terre et l'humus de la jungle. Je fendis les branches, sentant l'excitation de la chasse rugir dans mes veines et faire vibrer une corde sensible. Je louvoyais habilement entre les arbres, usant de la force dans mes postérieures pour compenser mon manque d'agilité. Je la vis disparaître par moment et sentis l'envie de plonger mes crocs dans les muscles fermes de sa cuisse s'affermir... ce qui n'était pas le but. Voir une proie prendre la fuite excitait le prédateur en chacun, n'importe qui - humain ou pas - a un jour poursuivit quelqu'un ou ressentit l'envie de le faire juste en voyant celui-ci se mettre à courir. C'était un instinct vieux comme le monde mais il était amoindrit chez l'humain, atrophié par des siècles de modernisation et de sédentarité. Chez moi, il était aussi aiguisé comme une lame.

J'étais à quelques mètres d'elle, jouant pour la laisser me distancer, lui offrant un rien d'avance pour ne pas interrompre le jeu tout de suite. C'était sans compter sur une déclinaison subite et Yzebel disparaissant brutalement de mon champ de vision, semblant chuter du haut d'un promontoir. Je ne ralentis pas, préférant plutôt accélérer. Le prédateur s'était tut, la créature douée d'émotion et de sentiment communément nommé "partie humaine" du loup-garou ressentis les prémices de l'inquiétude. Je bondis brutalement droit devant et en plein milieu de mon saut, donnais un coup de reins habiles pour me retourner. J'atterris lourdement juste derrière elle, à quatre pattes. Je lâchais un grondement sourd et vibrant, tendis les muscles, sur le point de bondir et de lui rompre la nuque.
D'une seconde à l'autre, à l'instar d'un métronome passant d'un point à un autre, toute sauvagerie disparu d'un seul coup. La tension dans mes muscles s'évanouit au profit d'une tranquille assurance. Je modifiais ma posture dans le même temps, passant de celle du chasseur à celle du gros chien, paraissant assit comme l'un de mes cousins domestiqués tandis que je remuais joyeusement de la queue. J'ouvris la gueule et poussais le vice jusqu'à haleter  brièvement dans une imitation du canis lupus familiaris plutôt réussie. Exceptée la taille démesurée et le potentiel destructeur, évidemment.
Mon petit jeu terminé, je me redressais légèrement et dans une attitude purement humaine, j'entrepris d'épousseter la poussière et la terre logée dans ma fourrure, m'ébrouant en sentant avec satisfaction la puissance maîtrisée née de la reprise complète du contrôle. La bête était assagie, elle n'existait que parce que je le voulais bien, parce que j'en avais besoin et que je restais un représentant fidèle de mon espèce et pas seulement un être humain qui devenait un peu plus poilu et plus violent que la moyenne une à trois fois par mois. Je m'accroupis, pliant les jarrets en posant les coudes sur mes cuisses, les oreilles orientées vers l'avant. Cette fois-ci, l'expression était ouvertement curieuse. J'émis un grognement interrogateur, penchant la tête sur le côté, pointant le museau vers sa personne entière. Le son laissait volontairement passer une once d'inquiétude. Je ne voulais même pas tenter d'articuler quelques pâles imitations de mots humains. Pour l'heure, je n'avais pas encore décidé si oui ou non j'allais me changer et prendre ma forme humaine. Elle n'était pas suffisammente atteinte pour que je prenne la peine d'apparaître en tenue d'Adam. Je ne suis pas pudique mais je ne suis pas un exhibitionniste pour autant.

Alors qu'Yzebel se remettait de sa chute, une ombre passa au-dessus d'elle avant d'atterrir dans son dos. La chasseresse se figea un instant puis avec une lenteur calculée, elle tira son pistolet à canon flûte de son étui et pivota d'un coup sec, braquant l'arme devant la bête. Techniquement, elle aurait dû tirer... Mais elle stoppa son geste en voyant le loup assit comme un vulgaire chien à remuer la queue et haletant joyeusement.

« Sérieusement... ? »

Elle comprenait à présent. C'est vrai qu'Anthony avait toujours eu une parfaite maîtrise de lui même, elle avait trouvé cela étrange aussi qu'il la prenne en chasse... Elle réalisait à présent que ce n'était qu'un jeu. Un jeu qui avait faillit lui provoquer un arrêt cardiaque. Le visage crispé de colère et d'agacement, la sorcière fixa le loup-garou qui cessa son petit jeu de chien docile pour reprendre une attitude bestiale plus naturel. La jeune femme abaissa son arme en soupirant, s'approcha et brusquement et abattit la crosse de son arme à feu sur le museau du sang-pur avec force (la crosse étant elle-même surmonté d'une décoration en argent). Le museau fuma un instant avec la douleur devait être suffisante pour lui faire comprendre qu'elle n'avait pas apprécié cette petite partie de chasse improvisée.

« ça... c'est pour m'avoir foutu une trouille bleue Tony... »

Elle serra les dents, agitant son pistolet nerveusement en s'agitant devant lui.

« T'as conscience quand même que... j'aurais pût te faire du mal ?! Tu sais à quoi sont ses balles n'est-ce pas ?! En argent... et je les ai trempé dans l'aconit... Tu imagines si j'avais tiré sur toi sous l'effet de la peur ?! Tu seras en train d'agoniser à mes pieds là. »

Oui enfin en théorie, s'il ne l'avait pas croqué avant. La sorcière se calma doucement, reprenant son souffle et rangea son arme avant e s'approcher du forgeron, prenant son énorme tête lupine entre ses mains pour embrasser délicatement sa truffe brûlée par l'argent.

« Ne me refait jamais un coup comme ça, c'est clair ? »

Elle glissa ses doigts fins dans son pelage clair, savourant se contacte agréable et surtout très rare. Peu de gens pouvaient se vanter d'avoir touché des loups-garous... Le plus étonnant c'est que leur fourrure était tout aussi douce au toucher que n'importe quel chien ou loup. La séance de mamours continua un léger instant, Yzie avait besoin de se remettre de ses émotions et un bon câlin l'y aiderait peut-être. Gémissant, encore sur les nerfs, elle passa ses petits bras autour de l'énorme cou de la bête et y enfoui son visage. S'il n'était pas un prédateur, il aurait certainement fait un bonne peluche... Enfin pour le moment, elle lui en voulait et l'imaginait surtout faisant une bonne descente de lit.

« Ramène moi à River Halls... »

Lâcha la sorcière, la voix étouffée par le pelage chaud et sanglante de la féroce créature.

Je savourais avec ravissement l'incrédulité se peindre sur son visage alors qu'elle découvrait mon attitude plus qu'inoffensive. Je souris de toutes mes dents, dévoilant un ratelier plutôt stressant mais j'étais content de moi et j'avais plutôt l'envie de le montrer. Du moins jusqu'à ce qu'elle n'abatte la crosse argentée de son arme sur mon museau, m'arrachant un glapissement douloureux tandis que je portais une main à la zone douloureuse. La douleur était un des facteurs capables de réveiller l'animal tapit dans les méandres de l'inconscient des loups-garous. J'aurais pu y succomber et perdre, là, mon contrôle pour détruire ce qui venait de me faire mal. Mais je contrôlais ce genre de réaction avec une rigueur telle qu'elle n'y paraissait pas. Je me connaissais, je connaissais mes réactions, je savais qui j'étais et cela me permettait d'avoir une maîtrise quasi parfaite de mes réactions. Je levais un regard lourd de reproches sur la silhouette menue et avantageuse de la chasseur.
Elle s'agita, n'ayant manifestement pas apprécié ma petite blague. Je pouvais comprendre. Mais l'usage de l'argent n'était pas nécessaire. Je frottais la petite portion de fourrure qui m'incommodait, y passant les doigts épais et noueux de mes antérieures. Heureusement, ce n'était pas une plaie ouverte. Lorsque je me transformerais, il n'y paraîtrait rien. En attendant, c'était désagréable.

En la voyant remuer son arme dans tous les sens pour appuyer ses propos, j'eus un mouvement instinctif de recule que je ponctuais d'un grognement alarmiste. À la moindre erreur, elle était susceptible d'appuyer sur la gâchette par mégarde et, comme elle venait si bien de le dire, les balles étaient en argent. Et la garce les trempait dans l'aconit pour faire bonne mesure.
Je manifestais d'ailleurs mon antagonisme à l'égard de cette substance d'un grondement vibrant qui agita légèrement mes babines. Je n'avais jamais été en contact avec le poison mais j'y avais échappé à de nombreuses reprises. Quelques chasseurs humains de la Terre avaient été suffisamment inspirés pour s'en procurer et trouver un moyen ou un autre pour le rendre utilisable contre moi et mes semblables. Le soucis, c'est qu'en ce temps-là, la méfiance et la suspicion étaient telles qu'on m'avait également soupçonné d'être un loup-garou. J'avais échappé de peu au test de l'argent et de l'aconit. Et d'un paquet d'autres trucs désagréables.

À sa demande de ne plus jamais faire ça, ponctué d'un baiser sur la partie de mon museau qui fourmillait encore du contact avec l'argent, j'émis un grognement d'approbation. « Sûr poupée, si tu trempes tes balles en aconit, je suis pas prêt de recommencer. » Ce n'était pas comme si j'étais impatient de me taper une balle d'argent option aconit dans le buffet, je tenais à la vie même après deux millénaires. La vie était trop fun pour la gâcher bêtement en me faisant tirer dessus par une châtouilleuse de la gâchette.
Je la sentis avec stupéfaction se rapprocher, fourrant ses doigts et son nez dans la fourrure de mon collier, entourant mon cou de ses bras frêles. Je cillais, m'immobilisant tandis qu'elle se rapprochait jusqu'à ce qu'elle soit blottie contre moi. Généralement les gens fuyaient devant les loups garous, à plus forte raison lorsque Selene était pleine et régnait en maîtresse de la nuit. Yzebel n'avait manifestement pas bénéficié de ce que la plupart des gens appellait l'instinct de conservation. Elle devait être absente le jour de la distribution. Enfin, je suppose que son job de Chasseuse parlait pour elle, je n'aurais pas dû être étonné de la voir se blottir contre moi de cette façon. Je soupirais doucement, le son sonnant grave dans ma gorge plus habituée à grogner et gronder qu'autre chose. J'émis un grognement, souhaitant signifier autant mon accord que l'évidence que je n'étais pas un vulgaire canasson, par les Nornes !

Je finis néanmoins par glisser un bras dans son dos mais au lieu de simplement la tenir contre ma poitrine, je passais ma large main sous ses jambes et la callait contre ma poitrine. J'étais assez grand, large et imposant pour qu'elle tienne dans le creux de mon bras, le haut de son corps appuyé contre mon épaule. Je sécurisais sa position en resserrant mon bras sans l'écraser pour autant... et m'élançais d'un bond formidable, grondant sourdement du plaisir de repartir au pas de course. Je fendis l'air de la nuit, frappant le sol, courant autant que je bondissais en avant dans une course aussi sauvage qu'elle était brutale. Il n'y avait nulle grâce là-dedans, juste de la puissance à l'état brute. Je m'arrêtais en pleine jungle, adressant un grognement agressif à un autre prédateur tapit dans les fourrées obscures... et il eut le bon réflexe de se tirer pour sauver ses miches. Je m'étais arrêté près du cadavre sanguinolant du Chasseur qui s'en était prit à Yz. Je baissais le nez, regrettant qu'un autre prédateur soit passé par là et ai soulagé la carcasse de quelques livres de chair. Je n'avais plus rien à manger sinon des miettes. La barbe. Je constatais effectivement que le visage n'était plus qu'une bouillie informe et grimaçais. C'était embarrassant. J'entrepris néanmoins de poser une de mes pattes arrières sur la poitrine éclatée du mort et attrapais ce qui restait de la tête de ma main libre. Une brève torsion suivit d'une traction légère et la peau et les muscles se déchirèrent dans un bruit humide. Un crâne éclaté dans une main et une belle dans l'autre, je repris vivement ma route.

J'étais à moitié plié en avant, les épaules vers l'avant, avalant les mètres plus les kilomètres avec une aisance terrifiante, bondissant à travers les irrégularités du terrain sans manifester le moindre signe de fatigue, me jouant de la nature avec un plaisir évident. Je finis par atteindre les premières maisons de River Hall et ralentit peu à peu, me redressant à mesure que mon allure se faisait moins vive. Je m'immobilisais au coin d'une rue et baissais le museau vers Yzebel. J'émis un son à mi-chemin entre le gémissement et le grognement, attirant son attention avant de regarder les environs et de revenir sur elle. J'ignorais où elle voulait aller et même si je passais beaucoup de temps à River Hall, je ne savais pas où on devait déposer la preuve qu'elle avait remplit un contrat. Une partie du visage était encore reconnaissable si on se donnait la peine de le nettoyer du sang et des fragments d'os et de matière grise.

Bien qu'elle n'en donnait pas l'air, Yzebel restait toutefois, très méfiante et sur ses gardes.
Car même si Anthony était en parfaite maîtrise de lui-même et qu'il était son ami, il n'en restait pas moins une bête. Mais soyons honnêtes, qui ne rêverait pas d'être à sa place en ce moment ? Étreindre un lycan sans risque de se faire tuer était une chose absolument fabuleuse. La sorcière remua doucement le visage, frottant sa joue sur le pelage du monstre avant que le bras de celui-ci ne vienne l'entourer. Yzie sourit faiblement et releva le visage, le fixant et souffla :

« Merci mon loup. »

Lover dans le creux du bras de la bête comme un enfant dans ceux de sa mère, la chasseresse savourant la montée d'adrénaline que provoqua le bond puissant de la bête. Elle agrippa à son pelage et lâcha un long rire qui en disant long sur son moral du moment, c'est-à-dire bien meilleur que lorsqu'elle était tombé sur le hors la loi et que Tony l'avait prit en charge. C'était un grand soulagement et elle était consciente que sa position vis à vis de Tony était avantageuse. Car si chasser les monstres récalcitrant mettait constamment sa vie en péril, sauver et préserver les autres qui s'intégreraient et tentait d'avoir une vie simple était aussi un boulot qui valait tout l'or du monde. Elle y gagnait parfois des amis que l'on ne soupçonnerait pas... comme Tony, par exemple. Comme quoi, le sacrifice de soit pour préserver la vie d'autrui pouvait être récompensé de la plus belle des manières. Pour rien au monde elle n'aurait voulu perdre un ami comme lui.

Le loup fit un rapide détour vers la clairière pour aller chercher la tête du hors la loi, à moitié défoncé et sanglante. Yzie esquissa une légère grimace mais compris rapidement que Tony avait fait cela pour qu'elle puisse avoir sa prime. Touché, elle enfouit à nouveau sa bouille dans le pelage du monstre, un geste de tendresse pour le remercier de son attention. Qui aurait cru qu'un crâne à moitié en bouillis ferait un magnifique cadeau pour une demoiselle. Comme quoi, les goûts et les couleurs ça ne se discutent pas. La bête repartit aussitôt, s'élançant de plus belle jusqu'à l'orée des landes. La ville était là, à quelques mètres tout juste. Yzebel observa la grande River Halls illuminée dans la nuit et souffla à la bête.

« Tu peux me laisser là Tony... »

De toute façon, vu l'heure, elle ne pourrait apporter la tête qu'au petit matin. Une fois que ses pieds touchèrent de nouveau le sol. La belle se sentit infiniment petite face au loup-garou et le fixa de plus belle avant de sourire et de venir gratter sa gorge. Puis doucement, elle saisit à nouveau le museau de Tony entre ses mains et attira sa grosse tête jusqu'à la sienne pour embrasser sa truffe meurtrie.

« Merci pour ce petit voyage, j'ai adoré... Merci aussi pour la tête mon loup, c'est un chouette cadeau que tu me fais là... tu sais quoi ? Demain je passerais t'apporter la moitié de la prime. Après tout c'est toi qui a tué ce taré... et tu m'as sauvé la vie par la même occasion alors... techniquement tout l'argent doit te revenir.... mais je vais quand même en garder une partie. »

Elle rit et caressa le haut du crâne de son ami, plongeant ses yeux argentés dans ceux de la bête et souffla doucement, un air sérieux sur le visage.

« Merci... de m'avoir sauvé. Vraiment. Je passerais donc te voir demain dans la journée mon loup. »

Sans un mot de plus, elle saisit la tête et s'éloigna, entrant dans la ville avant de disparaître au coin d'une rue, laissant le loup seul et qui a présent pouvait retourner chasser et profiter de la pleine lune.